Témoignage: «J’attends toujours des mesures»

Agressions sexuelles, emprise, thérapie de conversion: les victimes témoignent / ©iStock
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Agressions sexuelles, emprise, thérapie de conversion: les victimes témoignent
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Témoignage: «J’attends toujours des mesures»

Désillusions
Les abus en contexte ecclésial revêtent des formes très diverses. Trois victimes racontent ce qu’elles ont vécu dans différentes Eglises réformées romandes, et exigent la fin de la culture de l’impunité.

Agressions sexuelles, emprise, thérapie de conversion: les victimes témoignent

C’est à l’âge de 14 ans, au début des années 2000, qu’Ella* est violée par un moniteur jeunesse trentenaire de sa paroisse. L’homme l’exhibe comme sa petite amie, au vu et au su de toute la communauté. «J’étais très mal à l’aise avec cette situation. Et personne ne trouvait rien à redire. D’autant plus que les moniteurs du groupe avaient l’habitude de se servir parmi les catéchumènes.»

Adulte, Ella reconstruit sa vie en traversant des passes difficiles. En février, elle décide de se signaler auprès du groupe Sapec (association suisse d’aide aux victimes d’abus dans un contexte religieux). Elle entame peu après une démarche auprès des autorités de son Eglise cantonale. Première douche froide: «En appelant le numéro consacré aux abus, je suis tombée sur une personne qui n’avait aucune idée de la manière dont il fallait traiter ma déposition.»

Elle est ensuite adressée à une conseillère synodale, «qui a vraiment été à mon écoute». Mais Ella se heurte au refus de mener une enquête interne, tant que sa plainte déposée auprès de la justice n'a pas été traitée. Elle attend encore des nouvelles à ce sujet, sans trop d’espoir, puisque le cas est prescrit.

En parallèle, Ella parle de sa situation dans les médias. Elle témoigne dans un podcast de réformés.ch et, ce printemps, dans un article du quotidien Arcinfo. Deuxième douche froide: «Certains membres influents de la paroisse m’ont reconnue et m’ont dénigrée. Ils ont prétendu que je ne pensais qu’à salir la mémoire du pasteur, qui était au courant des agressions mais n’a rien dit.» La communauté finit par tomber les armes, notamment quand la conseillère synodale se rend auprès d’elle pour expliquer le sens pénal d’abus sexuel sur mineure.

Il faut une force de malade pour témoigner

«Il faut une force de malade pour témoigner, constate Ella, amère. On ne nous y encourage pas.» La jeune femme voudrait que la lumière soit faite sur le système ayant permis ce qui lui est arrivé, et que les violeurs rendent compte de leurs actes. Elle regrette que les démarches prennent autant de temps, et que l’Eglise ne prenne pas de mesures si aucune plainte n’est déposée à la justice. Elle connaît d’ailleurs une autre victime, également violée adolescente par un animateur adulte, qui ne se sent pas prête à porter plainte. L’agresseur présumé est toujours en poste.

Ella continue d’espérer que les choses changent dans un avenir proche. «Les réformés ont quinze ans de retard sur les catholiques en matière de lutte contre les abus sexuels. J’entends souvent que cela arrive aussi ailleurs. Et alors? Ce qui m’est arrivé n’est pas excusable pour autant.»