Quand la peur de manquer rend malade

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Quand la peur de manquer rend malade

Psychologie
Dans nos sociétés d’abondance, la peur de manquer n’a pas disparu. Et l’argent reste une variable importante sur le plan psychologique, même dans un pays aux comptes bancaires bien garnis.

«L’argent ne fait pas le bonheur, surtout pas celui des pauvres», disait l’humoriste français Coluche. Sa présence ou son absence est, en tout cas, un facteur important de notre bien-être. Il pourrait même jouer un rôle dans notre santé mentale. Ainsi, des études révèlent que le coefficient de Gini, qui mesure l’inégalité des revenus, établit une corrélation claire entre l’étendue des inégalités de traitement salarial et le taux de dépression ou de mortalité.

Une étude récente réalisée au Canada a montré que l’augmentation de la disparité salariale est associée à une hausse des morts par overdose, suicide ou crime violent. De manière analogue, les pays avec un revenu moyen ou bas par rapport aux autres sont également ceux où la population a le moins bon accès aux soins de santé mentale, explique la psychologue Grazia Ceschi, maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Genève. Et de rappeler ce constat préoccupant établi par l’Organisation mondiale de la santé: «En Suisse, une personne sur deux qui aurait besoin d’une prise en charge n’a pas accès aux soins de santé mentale qui pourraient lui venir en aide.»

L'argent: un symbole de valorisation sociale ou un élément de sécurité

Facteur de protection

Sur le plan psychologique, l’argent est une variable importante. Pour preuve, les préoccupations des mères célibataires. Dans le cabinet de la psychothérapeute, il n’est pas rare que celles-ci parlent de leur situation économique avant d’évoquer leur bien-être ou celui de leurs enfants. «Peut-être à tort, l’argent est perçu comme un facteur de protection», souligne Grazia Ceschi. «Il permet en tout cas de défendre ses droits, d’avoir accès à un logement, à la santé et à la justice, etc.»

L’évocation des conditions pécuniaires est souvent évitée dans le cadre d’une psychothérapie. L’argent et la peur du manque sont des sujets tabous. «Les gens ne me disent jamais qu’ils vont mal parce qu’ils manquent d’argent. Personne ne vient en psychothérapie parce qu’il pense avoir besoin d’argent.»

Indépendamment des conditions économiques objectives, la peur du manque peut devenir irrationnelle et se muer en impossibilité de dépenser. Il peut s’agir d’un symptôme présenté par les personnes souffrant d’un trouble d’anxiété généralisée ou d’un trouble obsessionnel compulsif. Chez certaines d’entre elles, on observe parfois des symptomatologies déroutantes qui peuvent aller jusqu’au syndrome accumulateur, dit «de Diogène», qui conduit à «tout garder», jusqu’au bout de ficelle, ou sous forme d’argent sur un compte en banque.

Une problématique présente dans toutes les pathologies

Un autre domaine très impactant est celui de l’héritage: au sein des familles, les gens se disputent souvent pour une montre dont personne n’a besoin. Dans ce cas-là, ce n’est pas la valeur marchande de l’objet qui est en jeu, mais sa valeur symbolique. La problématique de l’argent se retrouve en tout cas dans toutes les pathologies. Et les politiques seraient bien inspirés de tenter de réduire les écarts salariaux aux répercussions psychologiques néfastes. Pour la psychologue, «c’est à ce niveau que les Eglises ont aussi un rôle social significatif à jouer. Des recherches ont démontré que la spiritualité et le soutien social offerts par la communauté sont des éléments essentiels de la résilience».