Les mormons aident les jeunes qui craquent en mission

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Les mormons aident les jeunes qui craquent en mission

16 décembre 2013
L’Église de Jésus-Christ des Saints des derniers jours a pris conscience des stigmatisations dont sont victimes les jeunes contraints d’abandonner leur période de deux ans de mission avant la fin.

Salt Lake City (RNS-ProtestInter) En janvier 2010, Ryan Freeman avait tout quitté pour partir deux ans en mission à Saint-Louis, envoyé par l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours. Mais quelques mois plus tard il était de retour, souffrant d’une grave dépression, d’anxiété et de migraines. Son superviseur était compréhensif et il avait le soutien de sa famille.

À son retour il n’a essuyé que quelques critiques désobligeantes, mais la plupart des membres de sa communauté l’évitaient, même ses amis. «Les gens ne savent pas quoi vous dire», explique Ryan Freeman. Il avait alors l’impression d’être poussé à «faire mieux» et de retourner au travail missionnaire. Il a alors travaillé pour un temple mormon et essayé de vivre selon les règles de la mission. Mais quand il a voulu annoncer à son évêque (responsable local) qu’il était prêt à retourner en mission, il s’est effondré en sanglotant.

Il y a d'autres façons de servir

L’évêque l’a aidé en lui expliquant qu’il y a d’autres façons de servir et de partager sa foi. Malgré cela Ryan Freeman, comme de nombreux autres «missionnaires rentrés plus tôt», continuait d’être poursuivi par un sentiment d’échec. Ce n’est pas une surprise sachant que les retours prématurés des missionnaires sont stigmatisés dans la communauté mormone. Pour beaucoup de mormons, celui qui rentre de mission avant le temps imparti commet un grave pêché, enfreint l’une des règles de la mission et n’est tout simplement pas digne de porter le badge mormon.

Les mormons parlent souvent de leurs deux ans de mission comme des deux meilleures années de leur vie. Ils disent avoir atteint des sommets spirituels, vu des miracles, avoir consolidé leur foi et avoir vécu des expériences qui leur ouvrent l’esprit. Les anciens missionnaires ne détaillent par contre que rarement des difficultés de la rigueur du travail et du stress. Beaucoup des futurs missionnaires ne voient rien d’autre qu’une expérience enrichissante apte à changer leur vie.

Explosion du nombre de missionnaires

Le nombre de missionnaires mormons qui rentrent avant la fin de leur mission pour des raisons de santé reste stable au cours des deux dernières décennies, environ 1.5% selon les chiffres du département missionnaire du mouvement. Mais le nombre de missionnaires a explosé au cours de la dernière année grâce à l’abaissement de l’âge de servir (18 ans pour les hommes, 19 ans pour les femmes). Ils sont passés de 58'500 en octobre 2012 à 82'000 aujourd’hui. Cela signifie qu’environ 1200 missionnaires peuvent se trouver dans les rangs des «rapatriés prématurément», en proie à des problèmes de santé physique ou psychologique qui détruisent leurs plans.

«Les deux meilleures années de leur vie» se révèlent être les pires trois mois.

«Les deux meilleures années de leur vie» se révèlent être les pires trois mois. La direction de l’église à Salt Lake City est consciente du défi que représente cette situation et a mis en place des mesures pour aider les missionnaires et leur famille. La brochure «L’adaptation à la vie missionnaire» a été publiée. Elle présente les défis auxquels les jeunes seront confrontés.

Une équipe de médecins et de psychologues a été mise en place pour suivre les missionnaires rentrés prématurément lors de leur retour à la maison et conseiller leur famille et les membres de leur paroisse.

Plusieurs psychologues et psychiatres mormons ont également entrepris des études sur ces retours prématurés et donnent des conseils aux familles pour rétablir leur relation avec leur enfant.

Parallèlement, Ryan Freeman et son ami Drew Botcherby témoignent de leur expérience dans différentes paroisses, tendant la main à ceux qui se sentent honteux et malvenus. Ils ont lancé un site Web et ont sollicité les témoignages de 612 missionnaires qui sont soit rentrés prématurément, soit ont eu, comme Drew Botcherby, des ennuis de santé prétéritant leur engagement.

La mission c'est dur!

«La mission c’est dur!», reconnaît Richard Ferre psychiatre travaillant au département missionnaire en Utah. «Il y a de meilleures façons de faire face que de cacher sa maladie ou que de présupposer que ceux qui ne parviennent pas au bout de leur mission manque de foi.» Le psychiatre salue le travail de Ryan Freeman et de son groupe: «Les personnes concernées peuvent enfin se faire entendre. C’est une étape incroyable et la seule façon de surpasser la honte.»

Dans les années 1990, l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours a durci ses critères pour choisir ses missionnaires. Ce renforcement des règles inclut un meilleur dépistage des jeunes à risque de maladies mentales ou physiques. Les candidats présentant des antécédents de dépression ne peuvent partir en mission que s’ils ont une médication stable. Des services différents sont proposés aux personnes ayant des capacités limitées qui peuvent se voir confier des tâches sur internet ou du jardinage.

Supervision médicale

Toutefois beaucoup de jeunes missionnaires ne présentent aucun signe de trouble psychiatrique avant d’être sur le terrain et de subir les rigueurs de la vie missionnaire. C’est pourquoi les dirigeants mormons ont divisé le monde en régions. Un médecin et un professionnel de la santé mentale y supervisent la santé des missionnaires. «Il n’y a pas de règle générale sur le moment où nous rapatrions un missionnaire en raison d’une crise sanitaire», explique Gregory Schwitzer, médecin chargé de superviser la santé de missionnaires. «Chaque cas est différent, sauf pour les jeunes qui expriment des pensées suicidaires. Ils ne peuvent pas être traités sur le terrain. Dans un tel cas, le missionnaire doit absolument rentrer à la maison».

Les dirigeants doivent déterminer l’impact d’une dépression par exemple sur la capacité à travailler (les jours commencent à 6h30 et ne se terminent qu’à 22h30) ou sur les relations avec leur compagnon ou avec l’entier du groupe (Il y a environ 200 missionnaires dans chacune des 405 missions mormones de la planète). «Aucune décision n’est prise à la légère ou par simple décret ecclésiastique, promet Grégory Schwitzer. Les superviseurs de missions consultent les appuis médicaux, les responsables d’églises et bien sûr les parents du missionnaire». Une fois qu’une décision de retour est prise, l’équipe d’aide au retour entre en scène. Entre 60 et 70 médecins capables de gérer des problèmes physiques ou moraux sont à disposition pour aider les missionnaires dans leur retour à la maison. (JoB)