L'Église méthodiste unie craint une inconciliabilité sur la question de l’homosexualité
Lors d'un récent rassemblement de l'Église méthodiste unie, les organisateurs ont vendu des T-shirts violets avec le message donné par leur fondateur John Wesley: «Ne vous séparerez pas précipitamment». Actuellement, cette citation ne peut être comprise que comme un plaidoyer pour trouver une solution sur la question de l’homosexualité.
En février prochain, la Conférence générale décidera en session spéciale comment et quelles Églises au sein des méthodistes accepteront des ministres ouvertement gays, les célébrations de mariage pour les couples de même sexe et si l'homosexualité est «incompatible avec l'enseignement chrétien». Quelles que soient les décisions, on s'attend à ce que certaines congrégations choisissent de briser leurs liens avec l’organisation mondiale des méthodistes unis. Or, même si le schisme semble imminent, personne ne pourra accuser les méthodistes de précipitation.
Depuis la Conférence générale de 2016, les responsables de l'Église ont décortiqué la question sur des forums et des blogs. Des livres entiers ont été publiés évaluant les enjeux pour l’unité, pour la séparation ou pour les deux points de vue. Des groupes se réunissent déjà pour élaborer des stratégies pour la Conférence spéciale afin de faire pression sur les délégués et les fidèles.
Privilégier l’unité
Certains de ces groupes affirment que l'unité reste encore possible et vraiment souhaitable, étant donné la mission de la dénomination: «faire des disciples de Jésus-Christ pour la transformation du monde». Selon eux, cela transcende toute question sur la sexualité.
«La prière de Jésus pour l'unité dans Jean 17 a une très grande valeur pour nous», affirme le révérend Tom Berlin, pasteur principal de l'Église méthodiste unie de Floris à Herndon en Virginie. Il fait partie de la Commission qui recherche une solution pour aller de l’avant, «a way forward», un groupe qui a réduit la décision de la session spéciale à trois propositions.
«Le mariage et l'ordination de personnes homosexuelles ne devraient pas créer la division dans les Églises», explique-t-il. «C'est une discussion difficile, mais nous avons déjà eu ce genre de débat dans le passé avec des questions comme le divorce ou la consommation d'alcool. Je crois que nous avons la poigne nécessaire pour montrer au monde que nous pouvons être unis tout en ayant des opinions différentes».
Une organisation en danger
D'autres affirment qu'il est temps d'aller de l'avant séparément. «Nous sommes en train de nous faire du mal et de nous nuire», constate le révérend Rob Renfroe, président de Bonne nouvelle (Good News), un ministère évangélique non reconnu au sein de l'Église. «Cette unité vaut-elle vraiment les dégâts que nous sommes en train de créer? On n'arrête pas de se battre, mais on ne peut pas non plus s'éviter. Il est temps d’y mettre un terme».
Quelle que soit la voie adoptée, tout le monde semble convenir que les méthodistes doivent dépasser cet amer débat qui paralyse la dénomination depuis des dizaines d'années. «Nous sommes en crise», affirme le révérend Keith Boyette, président de l'Association de l'Assemblée de Wesley, un groupe d'environ 300 Églises méthodistes unies, conservatrices sur le plan théologique. «L'organisation ne fonctionne plus».
Trois options pour mettre fin à l'impasse ont été proposées. Les 864 délégués venant du monde entier décideront lors de la Conférence spéciale. Les différentes options ont été rendues publiques le 17 juillet. Le rapport de la Commission a été officiellement publié en quatre langues le 31 juillet.
Le modèle pour une Église unique
Le modèle «One church» (Une Église) élimine les discours dans le livre de référence appelé «Livre de discipline» qui affirment que l'homosexualité est «incompatible avec l'enseignement chrétien». Selon ce projet, les pasteurs pourraient, mais ne seraient pas obligés, célébrer des mariages pour les couples de même sexe et les Églises locales voteraient pour autoriser ou non ces cérémonies dans leurs locaux.
Le passage du «Livre de discipline» qui interdit aux «homosexuels pratiquants» l’accès au ministère serait également éliminé. Il reviendrait aux groupes régionaux des Églises, appelés Conférences annuelles, de déterminer s'ils ordonnent ou pas les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et queers (LGBTQ). Les pasteurs pourraient également choisir de se faire muter dans d’autres Églises qui partagent leurs opinions.
«Ce modèle supprime le langage blessant du «Livre de discipline», mais permet aux pasteurs et Églises de ne pas célébrer de mariages pour les couples de même sexe. Il est particulièrement flexible», explique Leah Taylor, membre laïque de la Commission «a way forward», dans l’État du Texas. «Je pense que c’est la meilleure option pour nous centrer sur la grâce».
Les partisans de ce modèle pour une Église unique utilisent le mot de «contextualité»: l'idée selon laquelle une Église rurale en Géorgie peut fonctionner différemment qu'une mission urbaine dans le quartier de Tenderloin à San Francisco, et que chacune peut toucher les gens de la meilleure façon si on leur laisse la liberté.
Le modèle pour l'Église unique est considéré comme le meilleur choix et a été recommandé par le Conseil des Évêques de l'Église. Mais les conservateurs comme Rob Renfroe s'attendent à ce que des centaines, voire des milliers, d'Églises théologiquement conservatrices partent si cette proposition modèle est acceptée.
Le modèle traditionaliste
Les opposants s'alignent plutôt avec le modèle traditionaliste qui conserverait le langage actuel du «Livre de discipline». Ils y ajouteraient même des mesures pour le renforcer, confirmant effectivement que les différences entre méthodistes sont irréconciliables. Ils affirment que la seule manière de garder l’Église unie est de s’en tenir au «Livre de discipline». «Ce modèle reflète une compréhension cohérente des Écritures... et maintient une continuité avec l'Église chrétienne, tant historiquement que globalement», souligne le révérend Thomas Lambrecht, qui a présenté cette option.
Les traditionalistes reconnaissent que cette approche stricte va sans doute pousser à partir les assemblées et conférences qui célèbrent déjà les mariages pour les couples de même sexe et ordonnent des pasteurs ouvertement LGBTQ. Ce modèle, selon Keith Boyette, prévoit «une porte de sortie gracieuse pour ceux qui choisissent de ne pas vivre en accord avec le «Livre de discipline».
Le modèle par connexion
Le dernier des trois modèles, qui a jusqu’à maintenant obtenu peu d'adhérents, envisage de réorganiser la dénomination selon des lignes théologiques. Nommé le modèle «connexion-conférence», il divise les États-Unis en trois branches basées sur un ensemble de valeurs qui remplaceraient les cinq juridictions géographiques déjà en place. Chaque branche aurait son propre «Livre de discipline» et pourrait élire ses évêques selon ses règles pour l'ordination.
«Les Églises locales pourraient choisir la Conférence annuelle à laquelle elles veulent participer», explique Patricia Miller, qui a soumis le modèle par connexion - malgré qu’en tant que directrice générale du mouvement confessant conservateur, elle adhère au modèle traditionaliste. «Cela permettrait l'existence de trois branches différentes, faiblement connectées, mais en une seule Église».
Le modèle inclusif
Certains groupes proposent une quatrième option, le «modèle simple», qui enlèverait tout langage restrictif du «Livre de discipline» concernant l'homosexualité promouvant une inclusion totale des personnes LGBTQ. Toutefois, le statut de ce modèle reste encore incertain.
Des détails doivent encore être réglés, notamment la façon dont chacun des différents modèles affecterait le plan de pension de la dénomination, ainsi que les comités et les agences, tels que le Comité des méthodistes unis pour l'aide humanitaire, une agence de secours en cas de catastrophe.
Beaucoup d'assemblées de méthodistes unis se sont déjà clairement alignées sur la question de l'homosexualité. Mais des pasteurs comme Stan Copeland de l'Église méthodiste unie de Lovers Lane à Dallas, avec 5'000 membres, s'inquiètent que la décision de février déchire son Église.
Stan Copeland compte des membres de 18 pays différents, autant des conservateurs confirmés que des personnes LGBTQ, des gens en situation de précarité à côté des multimillionnaires - sans compter le millier de personnes qui fréquentent le campus chaque semaine pour assister aux multiples programmes en 12 étapes. Stan Copeland soutient le modèle d'une «Église unique».
«Le monde que nous essayons de transformer a besoin d'entendre un message pour l'unité et la solidarité au sein de notre diversité et de nos différences», affirme-t-il. «Avec toutes ces divisions dans la culture actuelle, je crois qu'il est essentiel d'adopter ce message».
Mary Jacobs, RNS/Protestinter