Un siècle de vie, d’amour et de partage

Frank Bridel a fêté ses 100 ans le 25 décembre dernier. / ©Geneviève Bridel
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Frank Bridel a fêté ses 100 ans le 25 décembre dernier.
©Geneviève Bridel

Un siècle de vie, d’amour et de partage

Anne Vallelian
9 avril 2025
Parcours
Le 25 décembre dernier, Frank Bridel a soufflé ses 100 bougies. Une date symbolique pour cet homme dont la vie a été marquée par la foi, l’engagement journalistique et l’amour familial. Rencontre.

C’est dans la douce lumière de son domicile de Blonay que Frank Bridel revient, d’une voix posée, sur son chemin. Né dans une famille vaudoise bourgeoise, le jeune Frank évolue dans un milieu stimulant tant sur le plan spirituel qu’intellectuel. A 18 ans, il rêve de journalisme. Son oncle, alors rédacteur en chef de la «Tribune de Genève», lui conseille des études de droit qui, selon lui, le prépareront au mieux à la profession journalistique. Sa licence en poche, il ne s’imagine pas pour autant embrasser une carrière juridique. «J’ai été brièvement tenté, avoue notre interlocuteur mais j’ai compris que je n’étais ni assez subjectif pour être un bon avocat ni assez objectif pour être un bon juge. Je suis donc resté fidèle à mon idée première de devenir journaliste.» D’abord correspondant à Paris, puis dans la Berne fédérale, Frank Bridel termine sa carrière en dirigeant la «Gazette de Lausanne». «J’ai adoré mon métier, confie-t-il. D’ailleurs, je me sens encore l’âme d’un journaliste car, comme on dit: “journaliste un jour, journaliste toujours”», affirme-t-il avec un sourire complice.

L’Eglise libre, une histoire de famille

Mais l’essentiel de son récit, Frank Bridel le puise dans une spiritualité profonde, ancrée dès l’enfance au sein de l’Eglise libre du canton de Vaud, à laquelle sa famille a contribué. «Les Bridel sont liés à son histoire, raconte-t-il. Face à l’ingérence bernoise, l’Eglise libre s’est constituée en mouvement d’indépendance et mon arrière-grand-père a pris une part active à sa fondation.» Au fil des générations, plusieurs membres de la famille ont occupé des postes-clés au sein de cette Eglise. «Un de mes cousins, Claude Bridel, pasteur et professeur de théologie, a notamment joué un rôle majeur dans sa fusion avec l’église nationale.»

Une foi partagée

Lors de son service militaire au Tessin, il tombe très amoureux de Maria-Eva. S’ensuivent des allers-retours entre Lausanne et Locarno. Frank Bridel ne le sait pas tout de suite mais sa future épouse, née catholique, est anti-clergé. Pendant longtemps, la spiritualité n’est pas un sujet que le couple aborde, le sentiment amoureux écrasant le reste. «C’est elle qui a fait le premier pas, se souvient-il avec émotion. Pour bénéficier de quelques jours fériés, j’avais choisi la Semaine sainte pour lui rendre visite. Amoureux comme j’étais, j’en avais oublié les événements. Lors d’une promenade, elle me confia ses pensées: «Aujourd’hui, il meurt et après-demain, il ressuscite.» Ce fut le plus beau choc spirituel de ma vie!» Maria-Eva découvre les récits de Calvin et de Luther et se convertit au protestantisme. «Ensemble, nous avons essayé de transmettre notre foi à nos deux filles, Ariane et Geneviève», souligne Frank Bridel. 

A l’instar de nombreux croyants, Frank Bridel a connu le doute il y a une vingtaine d’années. «Ce fut une période très pénible, nous confie-t-il. Je ne me souviens pas d’une raison particulière. Je pense que ce sentiment peut nous atteindre à n’importe quel instant. Mais peut-être que les maladies successives dont mon épouse a souffert m’ont fait interroger Dieu. J’en suis sorti en priant. Ce moment de doute a indéniablement renforcé ma foi.» 

Aujourd’hui, Frank Bridel apprécie les échanges sincères avec celles et ceux qui croisent son chemin, quelles que soient leurs croyances. «Ces instants sont précieux car, malgré mon grand âge, je n’ai jamais cessé de m’intéresser aux autres et au monde qui m’entoure.» Un siècle de vie et d’amour que Frank Bridel regarde aujourd’hui avec gratitude et sagesse. Lui qui a pris la plume pour raconter sa «Vie de privilégié» mesure la chance qui fut la sienne: celle d’être né dans un tel environnement, d’avoir aimé et été aimé, et de pouvoir transmettre ces valeurs à ses filles et ses trois petits-enfants. A l’approche de Pâques, il célébrera en famille ce moment de renouveau. «Entre Noël et Pâques, un chrétien ne peut pas choisir. La naissance et la seconde naissance sont deux miracles indissociables.»