Aux racines du terrorisme islamique
En octobre 2022, lors du procès en appel de l’attentat de Charlie Hebdo, Richard Malka a décidé pour la première fois d’aborder frontalement la vision de l’islam à l’origine du terrorisme islamique.
L’attentat du 7 janvier 2015 contre l’hebdomadaire satirique français avait entraîné la mort de douze personnes, dont huit membres de la rédaction. Il le devait, dit-il, à ceux qui ne sont plus là pour avoir défendu la liberté d’expression.
«Puisque les Kouachi, les auteurs de l’attentat, sont sortis en hurlant 'On a vengé le prophète', qu’a dit le prophète de tout cela? De la liberté d’expression? Du blasphème? Du rapport à la violence?», questionne Richard Malka, interrogé dimanche dans l'émission Babel. Pour y répondre et proposer une grille de lecture et d’analyse du Coran sur ces questions, l’avocat s’est appuyé sur les travaux d’islamologues reconnus et a travaillé de longs mois pour préparer sa plaidoirie.
Wahhabites, salafistes et Frères musulmans
Sur le banc des accusés, Richard Malka place les wahhabites, et «leur vision sectaire, rétrograde et rigoriste de l’islam», ainsi que les salafistes, qui revendiquent un retour aux pratiques en vigueur à l'époque de Mahomet.
A ces deux mouvements se réclamant de l'islam sunnite, il ajoute celui des Frères musulmans et «leur idéologie victimaire, utilisée comme une arme de censure, celle d’accusation d’islamophobie, qui tue et qui empêche de parler».
A la source de ces visions de l’islam figure l’école hanbalite, qui s’est opposée au 8e siècle à l’école des mutazilites, qui, eux, «plaçaient la raison et le libre arbitre humain au cœur de l’islam». «Cette différence doctrinale,» explique l’avocat, «donne deux islams totalement différents et, pour finir, les hanbalites ont gagné leur guerre et éradiqué les mutazilites.»
Et même si des écoles du courant ouvert de l’islam ont persisté et existent partout dans le monde, observe-t-il, elles peinent à se faire entendre: «C’est plus facile de balancer quelques versets sur une chaîne Youtube et de jouer sur la victimisation et les passions humaines.»
Le Coran déjoue les préjugés
Or, sur la question du blasphème, ce que prévoit le Coran déjoue les préjugés: «Si on raille la religion, le Coran dit qu’il faut partir et revenir quand c’est fini! Ce n’est pas aux hommes de s'approprier le droit de sanction. En réalité, ce sont les tueurs qui blasphèment.»
Quant à la notion de djihad, qui justifie bon nombre de meurtres commis au nom d’Allah, elle n’est pas nécessairement un appel à la violence. Le verset de l’épée, qui proclame de tuer tous les infidèles qui se présentent, a été extrapolé et interprété d’une façon guerrière: «En réalité, explique-t-il , il y avait à l’époque beaucoup de blasphémateurs et on n’a pas arrêté de se moquer de Mahomet. S’il avait fallu tuer tous les gens qui se moquaient de Mahomet, tout le monde serait mort. Donc, on a dénaturé le Coran.»
Recul de la liberté d’expression
Si aujourd’hui la vague d’attentats a diminué, Richard Malka avertit que la stratégie islamiste est en train de pénétrer la société, pour l’influencer de l’intérieur. Résultat, un recul de la liberté d’expression, sous l’effet des réseaux sociaux et de la cancel culture. «Les étudiants que je rencontre ont tous peur et ne disent plus ce qu’ils pensent. Ils sont résignés et désespérés.»
L'avocat évoque aussi l’affaire Mila, qu’il a défendue. Mila, c’est cette adolescente qui avait refusé en janvier 2020 les avances d'un internaute musulman et qui avait reçu de sa part des insultes au nom d’Allah. Elle avait alors publié sur Instagram une vidéo critiquant l'islam et reçu des dizaines de milliers de menaces de mort.
Pour Richard Malka, «c’est d’une violence insupportable, mais on est parvenu à faire condamner quelques dizaines de personnes et à envoyer un message aux jeunes qui utilisent les réseaux sociaux, pour que la peur change de camp».
Un humanisme militant
Face à cette évolution, Richard Malka prône un humanisme militant où tout le monde a une responsabilité, car «l'humanisme ne peut pas être désarmé face aux ennemis de l’Etat de droit, de la démocratie et des libertés. L'humanisme doit être militant. Il faut être intolérant face à ce qui n’est pas tolérable».
Aujourd’hui, la rédaction de Charlie Hebdo ne se résigne pas, mais Richard Malka en témoigne, «les menaces existent toujours et un certain nombre d’entre nous continuent à vivre sous protection policière. Mais, quoi qu’on fasse, on ne peut plus tuer Charlie Hebdo. C’est devenu une idée. Et on ne tue pas une idée».