Recherche d’une aide auprès des guérisseurs
La majorité des Suisses romands croient aux pouvoir des guérisseurs ou faiseurs de secrets, selon l’Enquête thématique sur la langue, la religion et la culture en Suisse. 13% des Romands y auraient eu recours les douze derniers mois, contre 4% des Alémaniques et 5% des Tessinois, selon la même étude de l’OFS. Les Romands en parleraient par ailleurs plus librement que leurs voisins français, par exemple. Sont-ils submergés en cette période de pandémie?
«Il n’existe aucun secret contre cette maladie», répond l’ethnologue Magali Jenny, auteure de plusieurs livres sur les guérisseurs romands, chaque fois des succès de librairie! «J’ai posé la question à plusieurs personnes avec qui je suis en contact. Dans la pratique populaire, pour les problèmes pulmonaires ou des voies respiratoires, on fait plutôt appel à la recette traditionnelle: fumigation ou cataplasme. Mais la demande est là! Et elle n’est pas forcément nouvelle puisque chaque année, en période de rhume des foins, certains guérisseurs reçoivent plus des demandes.» Ses contacts mentionnent surtout des demandes en lien avec l’anxiété, la gestion du stress ou des douleurs.
Guérisseurs en recherche de réponses
La chercheuse invite toutefois à reposer la question d’ici un ou deux mois. «Beaucoup de guérisseurs ont aussi une pratique de thérapeute ou de masseur et leur activité s’est donc réduite avec les mesures de distanciation. Ils tentent alors de proposer d’autres solutions pour soulager à distance», explique-t-elle. Un secret peut donc apparaître ou disparaître? «Oui, bien sûr. On sait qu’il existe un secret pour combattre la lèpre, mais que l’on ne pratique plus à l’heure actuelle. A l’opposé, d’autres peuvent apparaître, par exemple en modifiant des prières existantes. Le secret pour combattre l’anxiété et le stress est une adaptation de la formule qui permettait de lutter contre le mal du pays.»
Concernant le Covid-19, Magali Jenny reste prudente: «Il n’est pas impossible qu’un secret soit créé ou adapté d’une formule qui aurait été utilisée durant les grandes épidémies. Quant à son efficacité, l’avenir nous le dira. Ce n’est pas le moment d’ouvrir grand la porte à des promesses illusoires.»
Une pratique spirituelle
Cette pratique relève-t-elle vraiment de la religion? «Je parlerais plus de spiritualité au sens un peu plus large», corrige l’ethnologue. Elle précise: «Ce qui est sûr, c’est que pratiquement tous les guérisseurs interrogés font référence à un ‹Autre› universel et supérieur, peu importe son nom: Dieu, anges, énergie cosmique, etc. Du côté des personnes qui font appel à leurs services, en revanche, les motivations sont multiples. Certains partagent cette sensibilité ou cette spiritualité, alors que d’autres se disent qu’ils ne perdent rien à essayer.» Alors que les religions établies voient encore souvent les pratiques spirituelles à distance comme des pis-aller, nombre de faiseurs de secret qui exercent par téléphone, e-mail ou SMS laissent une grande place à la spiritualité dans les soins prodigués à distance.