Education religieuse: au Québec et en Wallonie, les convictions spirituelles accueillies à l’école
Le bonheur, le mal, la violence… Ce sont trois des dix thèmes abordés par les adolescents belges en cours de religion catholique. Le système d’enseignement est resté confessionnel pour 50 à 70% des élèves scolarisés dans des écoles dites «libres» (majoritairement catholiques). Si le pouvoir politique a de plus en plus d’attentes pour une formation à la citoyenneté, le cours de religion reste important (deux heures hebdomadaires dès le cycle primaire pour les écoles libres, une heure côté officiel) et confessionnel, ancré dans le christianisme. «Mais nous ne faisons pas de la catéchèse pour autant!», se défend Geoffrey Legrand, enseignant de religion catholique dans une école bruxelloise.
Savoir produire du sens
«Sur une thématique donnée, nous apportons des ressources, chrétiennes, mais aussi celles qui émanent de la culture ou d’autres religions.» Pour le bonheur, par exemple, «je choisirai plusieurs passages de la Bible, que je mettrai en corrélation avec des textes d’André Gide et de plusieurs autres traditions religieuses».
Une pédagogie «héritée du théologien protestant Paul Tillich», explique Geoffrey Legrand, auteur d’une thèse sur la pastorale scolaire.
L’objectif du cours est de «permettre aux élèves de grandir en humanité, d’entamer une démarche de sens, et, in fine, d’être capables de construire leurs propres réponses aux questions évoquées». Comment évaluer si un élève est capable de «produire du sens»? «Les critères de notation tiennent compte de la pertinence et de la cohérence de la réponse. L’élève doit se montrer indépendant intellectuellement.» Une démarche qui rappelle celle de la philosophie, appliquée à la pensée religieuse.
Ancrage religieux assumé
Dans l’enseignement officiel, une dispense est possible. Quid de ceux enracinés dans une autre tradition et scolarisés côté libre? «Nous essayons de trouver une ligne de crête entre le respect absolu du pluralisme et notre mission de transmission du contenu de la foi. Celle-ci doit permettre à l’étudiant de se situer librement. Mais, en réalité, la majorité des jeunes que j’ai dans mes cours n’a pas de bagage dans le domaine!», souligne Alexandra Boux, professeure de religion depuis plus de vingt ans en Wallonie. A entendre cette catholique convaincue, l’ancrage confessionnel serait même un atout pédagogique. «Mon constat personnel, c’est que les jeunes ont besoin de personnes situées qui leur parlent de Dieu et de religion, car ils ont besoin de se situer eux-mêmes.»
Initiation au développement spirituel
Au Québec, c’est carrément le développement spirituel qui a sa place à l’école. Distinct du cours d’éthique et culture religieuse, actuellement profondément remis en cause par le gouvernement conservateur au pouvoir, il est accessible aux élèves intéressé·e·s à travers les activités proposées par des animateurs de vie spirituelle, particulièrement bien formés: «actions communautaires, séances de méditation de pleine conscience, introspection déconfessionnalisée…», décrit Jacques Cherblanc, socioanthropologue à l’Université du Québec.
L’objectif est de favoriser une vie spirituelle laïque. Avec un présupposé. «La spiritualité est une dimension de l’humain, et, selon de nombreuses études, reste la meilleure ressource pour surmonter des deuils. Parce qu’elle permet de donner sens à la perte, prévient les complications à la suite de ruptures, réduit les troubles mentaux et favorise le bien-être. Eveiller les jeunes à la spiritualité, c’est leur donner les moyens de se développer pleinement.» Quant à savoir si cela relève du rôle de l’école, c’est un autre débat *.
* Débat qui a d’ailleurs lieu, voir sous www.pin.fo/rolecole