Une actualité que nous refoulons
George Floyd mourrait lors d’une arrestation par la police américaine. Une onde de choc a traversé le monde. L’attention que cet événement a suscité est pourtant bien vite retombée. Autant dire que, malgré un rayon d’espoir, le racisme ne s’en est pas retrouvé amoindri.
Bien que la situation européenne ne soit pas la même qu’aux Etats-Unis, nous partageons un même héritage colonial qui a créé tout un système orienté au profit de l’humain blanc. C’est de cela dont il est question lorsque l’on parle de racisme aujourd’hui.
Le racisme a évolué: presque plus personne ne reconnaîtrait directement l’infériorité ontologique des Noir·e·s. Le racisme que nous connaissons et dont nous usons est rampant et insidieux. Il véhicule et perpétue inconsciemment des clichés et contribue à exclure les personnes noires et de couleur de nos pensées et de notre société.
Ce système suprématiste, des personnes blanches, nous en avons hérité. Nous ne l’avons pas érigé ni même choisi. Sa création n’est donc pas de notre responsabilité. Ce qui est de notre responsabilité, en revanche, c’est de ne pas le perpétuer. «Ce ne sont pas tous ceux qui me disent: ‹Seigneur! Seigneur!› qui entreront dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux» (Mt 7, 21).
Par Jésus, le royaume est déjà présent et opérant. Cette présence anticipée a un pouvoir transformateur qui nous appelle à vivre ce changement ici et maintenant. La théologie de la libération a fortement repris cette pensée et milité pour une libération sociale, politique et économique dans le présent. Ce que cette théologie a de fort, c’est qu’elle nous oblige à ne pas détourner le regard .
Dans le cadre du racisme, elle nous rappelle que le christianisme européen a longtemps été un allié de poids de la suprématie blanche et de la colonisation. C’est une histoire et un formatage de la pensée dont nous sommes héritier·ère·s. Contribuer à concrétiser le royaume de Dieu, c’est se confronter à cette histoire, notre histoire, se confronter au racisme que nous avons intériorisé dans nos institutions, communautés et dans nos fois, car même si nous ne nous considérons pas comme des oppresseur·se·s actif•ve•s, le moindre mal que nous commettons, et qui reste un mal, c’est de silencieusement et docilement entretenir un système dont nous profitons aux frais d’êtres humains au mieux marginalisés et ignorés, au pire opprimés. C’est un travail sur nous-mêmes que la foi et son pouvoir transformateur nous encouragent à faire, surtout là où cela est dérangeant et douloureux parce que la facilité n’a jamais fait partie de la foi.
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INTRODUCTION À LA PRIÈRE
Se reconnaître fautif et fautive, reconnaître nos manquements, mais aussi puiser de nouvelles forces dans la relation à Dieu et la confiance qu’il nous offre pour des actions renouvelées, courageuses et solidaires, voici ce que nous sommes invités à faire.
Ouvre mes oreilles à celles et ceux
que je préférerais ne pas entendre,
Ouvre ma vie à celles et ceux
que je préférerais ne pas connaître,
Ouvre mon coeur à celles et ceux
que je préférerais ne pas aimer.
Et ainsi ouvre mes yeux pour que
je puisse voir quand je t’exclus, toi.
Dieu des exclu·e·s,
Dans un monde empli de divisions,
Ne te lasse pas de nous attirer
Hors de nos sûrs paradis
Pour entrer en ton amitié riche
De défis et de réconciliations,
De renoncements et de services.
Amen.
L’auteure de cette page
Lara Kneubühler a été consacrée pasteure dans les Églises réformées Berne-Jura-Soleure en 2019. Après un remplacement en paroisse de huit mois, elle a commencé un doctorat interdisciplinaire en Nouveau Testament et dogmatique cet été, portant sur le thème de la tentation. Elle habite dans le Jura bernois avec son mari et leur chien.