Peu de débouchés pour les femmes à l’aide sociale

Peu de débouchés pour les femmes à l’aide sociale / ©iStock
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Peu de débouchés pour les femmes à l’aide sociale
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Peu de débouchés pour les femmes à l’aide sociale

Francesca Sacco, Echo Magazine
23 août 2022
Inégalité
Les femmes étrangères qui sont à l’aide sociale ont nettement moins de chances que les hommes de bénéficier d’une mesure de formation. C’est ce que révèlent des recherches menées à l’Université de Bâle et à la Haute école de Lucerne.

Par rapport à la population générale, les bénéficiaires de l’aide sociale sont trois fois moins nombreux à posséder un diplôme professionnel. Voilà qui permet de se représenter l’importance des mesures de formation. Pourtant, accéder à ces programmes est tout sauf évident, comme le démontre, dans une thèse présentée à l’université de Bâle en 2021, la docteure en droit et avocate Melanie Studer, aujourd’hui professeure et responsable de projet à la haute école de Lucerne.

Dans tous les cantons, «les hommes suisses ont deux fois plus de chances de participer à des programmes que les femmes étrangères, bien qu’il n’y ait aucune raison objective à cela», ressort-il d’un rapport rédigé par Melanie Studer et trois autres chercheurs en 2020. L’une des hypothèses avancées pour expliquer ces différences de traitement est que les responsables de placements choisissent les candidats en fonction de leur rentabilité présumée. Et les hommes sont, en l’occurrence, «considérés comme étant plus susceptibles d’exercer une activité lucrative stable et sur le long terme que les femmes».

Il est fondamentalement controversé de savoir si une politique disciplinaire fonctionne

Encore du potentiel

En ce qui concerne les jeunes, les responsables de placements estiment généralement qu’«il vaut la peine d’investir, car il y a encore du potentiel», selon une responsable de programme interrogée dans le cadre de ce projet de recherche. Il y aurait toutefois toujours de moins en moins de jeunes intéressés de participer à un programme, car «il est plus facile de rester tranquille à la maison». Quant aux bénéficiaires âgés, ils ne sont «bien sûr pas intégrés dans de nombreuses mesures de réinsertion».

Les programmes d’intégration sont généralement assortis d’objectifs socio-pédagogiques (par exemple, la restauration de l’autonomie, le développement de l’employabilité ou la stimulation des compétences sociales) et les bénéficiaires ne peuvent généralement pas choisir. Les responsables de placements leur font des propositions sur la base du potentiel qu’ils pressentent chez eux. Un refus de participer peut entraîner une diminution, voire une suppression, des prestations. Or, l’efficacité de cette stratégie n’a pas été prouvée: «Il est fondamentalement controversé de savoir si une politique disciplinaire fonctionne, c’est-à-dire si la réduction, voire la suppression, des prestations contribue effectivement à l’objectif d’intégration professionnelle et sociale.»

Des recherches menées en Allemagne suggèrent qu’un tel système aurait des effets indésirables générant chez les usagers des sentiments d’impuissance et de honte.

Suivi scientifique

Melanie Studer et ses collègues s’étonnent également que certains objectifs difficilement mesurables, comme le développement des capacités relationnelles et l’adaptation, soient poursuivis. Il existe des méthodes scientifiques pour déterminer l’efficacité de certaines mesures sociales, mais il semble qu’elles soient sous-utilisées: «L’impact des programmes devrait être mesuré par des évaluations probantes. Il s’agit d’une condition préalable pour pouvoir contrôler des offres.» De plus, les données disponibles sur la fréquentation des programmes sont très élastiques, allant de 4,4% à 100% selon les sources! Pour Melanie Studer et ses collègues, «la vérité se situe probablement à mi-chemin entre les deux».

Enfin, il règne «un grand flou» autour des droits contractuels des personnes participant à ces programmes. «En Suisse, la doctrine juridique et la recherche naissante en sociologie du droit ne se préoccupent que très peu du droit de l’aide sociale. Le rapport juridique, dans ces programmes, doit être réglementé par des contrats de travail et le salaire soumis aux assurances sociales». Contactée, Melanie Studer déclare ne pas avoir eu connaissance de changements fondamentaux dans la pratique depuis la fin de ce projet de recherche, en 2020.

Le fossé s’est creusé

En revanche, la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS) a communiqué au mois de février qu’il y avait en Suisse, fin 2021, environ 29 000 chômeurs de longue durée, soit deux fois plus qu’en 2019. D’après la CSIAS, la crise sanitaire a creusé le fossé entre riches et pauvres, aggravant le besoin d’assistance financière des franges les plus faibles de la population. La CSIAS part du principe que certaines personnes qui ont connu des difficultés importantes pendant la pandémie ne pourront pas reprendre leur activité professionnelle. Il faut donc s’attendre à ce qu’elles sollicitent l’aide sociale. Toutefois, pour l’instant, «il n’est pas possible d’estimer leur nombre». La nécessité d’offrir des programmes d’intégration variés – placement, participation, clarification ou qualification – demeure plus que jamais d’actualité.