Et si je ne vote pas comme l'Église le prône?

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Et si je ne vote pas comme l'Église le prône?

Sarah Nicolet
29 septembre 2020
Politique
Le 29 novembre, l’initiative pour des multinationales responsables sera soumise au vote du peuple. Les Églises se sont fortement mobilisées en faveur de cet objet. Ce qui ne va pas sans questions…

Lors de notre dernier Conseil de paroisse, il a été décidé de rendre plus visible notre soutien à l’initiative pour des multinationales responsables en accrochant une bannière sur le temple. Un paroissien a alors demandé: «Je suis contre l’initiative. Est-ce que je suis toujours chrétien?» Derrière cette question se cache l’épineux problème des relations entre «Église et politique». Est-ce que l’Église doit se mêler de politique? Comment concilier la foi qui nous unit et les opinions politiques qui nous divisent? Peut-on afficher une consigne de vote sur un temple?

Une notion héritée de la Réforme du XVIe siècle aide à y voir un peu plus clair: le «status confessionis». Le statut de confession pose la question de l’importance d’un enjeu sur le plan de la foi et sur ce plan exclusivement. Un enjeu a «statut de confession» s’il touche à l’essence de la foi. La fidélité à l’Évangile ou son reniement sont alors en question. Celui ou celle qui est en rupture sur un tel point rompt aussi avec la communauté chrétienne. L’Alliance réformée mondiale a ainsi exclu de son sein les Églises qui défendaient la ségrégation raciale en Afrique du Sud. A l’inverse, un enjeu peut être important sur le plan politique mais secondaire du point de vue de la foi. Il n’a alors pas «statut de confession». Dans ce cas, chaque croyant·e est libre de se forger sa propre opinion, sans que cela ne compromette sa fidélité à l’Évangile.

Dans le cas de l’initiative pour des multinationales responsables, la problématique est double. En défendant les droits humains et la protection de l’environnement contre les violations perpétrées par les multinationales, l’initiative porte sur les fondements de la foi: la justice pour les opprimés et la sauvegarde de la Création, des thèmes sur lesquels se joue la fidélité à l’Évangile. Sur de tels enjeux, l’Église ne peut pas se taire et elle se doit d’afficher son soutien, jusque sur ses temples.

En même temps, l’initiative reste un objet politique. Si, en tant que chrétien·ne, on approuve le but visé, on peut néanmoins questionner les moyens et les arguments utilisés. Cette discussion se situe alors sur un plan politique et ne relève plus de l’essence de la foi. Là, chacun·e reprend sa liberté, et donc aussi la liberté de voter non le 29 novembre.

Cette confession de foi de Benoît Ingelaere, pasteur
dans l’Église protestante unie de France, nous
rappelle qu’au-delà de nos divergences d’opinion,
nous sommes uni•e•s dans la liberté des enfants de Dieu.

MÉDITATION
Nous croyons en la liberté promise et à venir:
Elle est au-delà de nos emprisonnements,
Elle est l’aube de toutes nos nuits,
Elle est la paix sur nos peurs et nos terreurs,
Elle est la résurrection de toutes nos morts.

Cette liberté a un visage: Jésus le Christ!
Cheminant en Palestine, s’arrêtant auprès
des souffrants, enseignant l’amour.
Cette liberté a une origine: l’Eternel Dieu!
«Il a libéré son peuple de la maison de servitude»,
il est fidèle.
Cette liberté a un programme: le Royaume!
Nous pouvons avoir confiance en l’avenir.
L’espérance n’est pas vaine.
Nous croyons en cette liberté donnée:
Liberté de l’Évangile,
Liberté de Dieu,
Liberté à vivre, en vérité.
Vivre, prier et méditer, Lyon, Olivétan, 2018, p. 343.

L’auteure de cette page 

Sarah Nicolet est née en 1974 à Bienne. Depuis 2016, elle est pasteure dans la paroisse réformée de Delémont. Elle est aussi docteure en science politique. Elle a coédité, avec Amélie Barras et François Dermange, un ouvrage intitulé Réguler le religieux dans les sociétés libérales (Genève, Labor et Fides, 2016). 

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