Jusqu’au jour où tous ses amis les arbres furent emportés par une violente tempête. Sauf lui. De tous les arbres de la forêt, il n’y eut qu’Eugène le chêne qui resta mystérieusement debout face au vent.

L’année suivante, on décida de replanter la forêt. Avec le temps, les graines devinrent de petites pousses, puis de jeunes arbres qui entouraient désormais Eugène le chêne, devenu centenaire.

– Tu as vu comme il est vieux?!, se moquait Paul le Saule, le plus jeune d’entre eux.

– Avec ses énormes branches, on dirait qu’il va s’écrouler, renchérit Bruno le Bouleau, son ami.

– Et regarde son tronc tortueux! Tandis que moi je grimpe tout droit vers le ciel!, s’exclamait avec fierté Cyprien le Cyprès.

Plus les années passèrent, plus Eugène vieillissait, et plus on se moquait de lui. Jusqu’au jour où une terrible sécheresse s’abattit sur tout le pays. La rivière qui coulait le long de la forêt disparut. Le soleil dessécha le sol. Pas le moindre nuage à l’horizon. Cyprien le Cyprès, qui d’habitude grimpait au ciel, commençait à pointer nettement vers le sol. Paul le Saule faisait triste mine. Et Bruno le Bouleau jaunissait à vue d’oeil. A nouveau, de tous les arbres de la forêt, il n’y eut qu’Eugène le chêne qui restait mystérieusement vigoureux malgré la chaleur torride.

– Eugène! Dis-nous, par pitié, comment tu parviens à survivre à toutes les catastrophes qui s’abattent sur le pays!, le supplièrent les trois arbrisseaux. La tempête, puis maintenant la sécheresse…

Le vieux chêne leur répondit:

– La force que je trouve vient de mes racines qui ont poussé profondément dans la terre au fil des années. Elles me maintiennent debout en cas de tempête et rejoignent une source lointaine en cas de sécheresse.

Eugène le chêne se prit alors de pitié pour Paul, Bruno et Cyprien.

– Je ne peux pas vous donner d’eau, mais venez à l’ombre de mes branchages, il y fait très frais.

Ainsi Eugène abrita ses trois compagnons qui jadis s’étaient bien moqués de lui. Ils se gardèrent bien, les fois d’après, de rire de son grand âge.